S'adapter ensemble à un secteur en mutation
Le document Bioalimentaire économique – Bilan de l’année 2024, récemment publié par le MAPAQ, confirme la remarquable résilience du secteur bioalimentaire québécois. Malgré un environnement économique difficile, l’ensemble du secteur a su maintenir sa stabilité.
Toutefois, cette résilience globale masque une réalité plus nuancée pour les transformateurs alimentaires, qui doivent composer avec un contexte de plus en plus exigeant, à la croisée de tensions économiques, d’évolutions rapides des comportements de consommation et de pressions grandissantes sur leur compétitivité.
En effet, la valeur des livraisons manufacturières alimentaires est demeurée stable à 39,8 milliards de dollars, marquant un premier plateau depuis 2017. Ce statu quo reflète des dynamiques contrastées : certains segments, comme les confiseries, tirent leur épingle du jeu en raison de la hausse du prix des intrants, tandis que d’autres, tels que la fabrication de boissons et la mouture de céréales, subissent des baisses notables. Ce déséquilibre interne souligne l’urgence pour les entreprises de transformation d’accroître leur agilité, tant au niveau des opérations que de l’innovation produit.
Les marges, quant à elles, demeurent sous pression. Une baisse des prix à la sortie d’usine dans l’alimentation, combinée à la persistance de coûts élevés — main-d’œuvre, logistique, énergie — alimente une tension entre la viabilité économique des entreprises et la recherche de prix abordables pour les consommateurs. Ce contexte oblige les transformateurs à ajuster leurs stratégies pour préserver leur rentabilité.
Les tendances de consommation ajoutent un autre niveau de complexité. Le bilan 2024 observe une croissance soutenue des ventes dans les magasins à escompte ainsi qu’une fréquentation accrue de la restauration rapide, au détriment de la restauration traditionnelle et des débits de boisson. Ces changements contraignent les entreprises à revoir leur positionnement, leurs formats de produits et leurs circuits de distribution afin de rester pertinentes dans un marché en mutation.
Malgré ces défis, le secteur reste dynamique : les investissements en 2024 ont atteint 3,6 milliards de dollars, signalant la confiance des acteurs en leur avenir. L’emploi global du secteur a légèrement reculé, mais la transformation alimentaire demeure un pilier de stabilité par rapport à d'autres segments bioalimentaires. Ce rôle structurant est aussi confirmé à l’international, alors que les exportations bioalimentaires ont atteint un sommet de 12,7 milliards de dollars. Les États-Unis restent le principal partenaire commercial du Québec, en particulier pour les viandes, les produits transformés et les préparations de cacao. Toutefois, la croissance plus rapide des importations vient réduire l’excédent commercial, rappelant l’importance stratégique de maintenir notre compétitivité à l’échelle mondiale.
En somme, Le Bioalimentaire économique – Bilan 2024 révèle que le secteur est à un moment charnière. Pour que la résilience d’aujourd’hui se transforme en moteur de croissance durable, il faudra miser sur l’innovation, la modernisation des modèles d’affaires, la valorisation des produits québécois et un appui renforcé aux exportations. L’avenir du secteur passera par une adaptation concertée, lucide et ambitieuse à cette nouvelle réalité économique.