Cette étude explore les conditions de travail et d’hébergement des travailleurs étrangers temporaires du secteur agroalimentaire au Québec afin d’outiller les autorités de santé publique dans l’identification de leviers pour protéger la santé de ces travailleurs.
Les faits saillants de l’analyse réalisée sont les suivants :
• Les trois groupes de participants interviewés (employeurs, travailleurs et représentants d’organisme de soutien) rapportent plusieurs facteurs de risque psychosociaux liés aux conditions de travail des travailleurs étrangers temporaires, en particulier : la charge de travail élevée, la faible autonomie décisionnelle, la faible reconnaissance organisationnelle (p. ex. insécurité d’emploi et peu d’opportunités d’avancement professionnel) et le risque de subir du harcèlement au travail.
• Les résultats des observations, questionnaires et entrevues ont aussi permis d’identifier des facteurs de risque environnementaux (p. ex. exposition à la chaleur) et ergonomiques (p. ex. postures contraignantes, mouvements répétitifs, levées de charge lourde).
• Les employeurs et travailleurs sondés et interviewés rapportent de multiples lésions professionnelles chez les travailleurs étrangers temporaires, en particulier les troubles musculosquelettiques. Cependant, ces lésions ne font pas systématiquement l’objet de consultation médicale.
• La majorité des employeurs ayant participé à l’étude indiquent avoir mis en place des mesures de prévention et de gestion des risques dans les milieux de travail (p. ex. atténuation de la charge de travail et réduction de l’exposition à la chaleur). Toutefois, celles-ci semblent davantage guidées par leur perception des risques plutôt que par des balises objectives externes, telle que la réglementation existante et des guides de procédures.
• Dans cette étude, il ressort que les conditions d’hébergement varient de manière importante d’un milieu de travail à l’autre, notamment en ce qui concerne le type de logement, la localisation, le nombre d’occupants, l’espace disponible, ainsi que la qualité et la quantité des équipements offerts.
• Certains milieux de vie présentent des caractéristiques d’occupation élevée (nombre élevé d’occupants, superficie disponible réduite, nombre élevé de travailleurs par équipement). L’occupation élevée peut causer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des occupants, notamment en raison du manque d’intimité ainsi que de la quantité insuffisante des équipements nécessaires à la satisfaction des besoins de base
(p. ex. alimentation, hygiène).
• La majorité des employeurs ayant participé à l’étude mettent en place ou prévoient mettre en place différentes mesures pour réduire l’inconfort thermique (p. ex. climatisation), l’insalubrité (p. ex. service d’entretien ménager) et la densité d’occupation dans les logements (p. ex. ajout d’équipement, retrait des lits superposés).
• L’accès aux services de santé semble dépendre principalement de l’employeur. Ce dernier, ou un représentant de l’entreprise, est généralement le responsable de la prise de rendez-vous médical, du transport vers l’établissement de santé, de la traduction entre les professionnels de santé et le travailleur ainsi que du suivi médical et administratif.
• Quelques employeurs ayant participé à l’étude avaient recours à des services privés, communautaires ou de télémédecine afin de faciliter l’accès aux soins de santé pour les travailleurs étrangers temporaires.
• Les résultats de cette étude viennent corroborer les constats avancés dans d’autres études réalisées au Québec et ailleurs au Canada concernant l’effet structurel du statut migratoire des travailleurs étrangers temporaires, en particulier du permis fermé, sur la protection de leur santé physique et psychologique. L’impossibilité pour les travailleurs étrangers temporaires d’exercer un autre emploi que celui pour lequel ils ont été admis au Canada fait en sorte que l’acceptation des conditions de travail et d’hébergement ne peut être interprétée comme le résultat d’un choix entièrement libre et dépourvu de contraintes.
• À la lumière des résultats et constats de cette étude, quatre pistes d’action sont proposées : 1) informer, encadrer et accompagner les employeurs et travailleurs dans la prévention des risques de santé et sécurité du travail; 2) encadrer les pratiques en matière d’hébergement; 3) tenir compte du statut migratoire dans les politiques publiques et les interventions en santé et sécurité du travail, et 4) identifier des moyens pour améliorer et faciliter un accès adéquat aux services de santé.