Le secteur alimentaire est en pleine transformation, confronté à des défis majeurs pour nourrir une population mondiale estimée à 10 milliards d'ici 2060. L'enjeu ne réside pas uniquement dans l'augmentation de la production alimentaire, mais également dans la nécessité de répondre aux impératifs de transition sociale et environnementale. Pour cela, l'ensemble des acteurs du secteur doit revisiter son modèle économique en repensant non seulement ses offres, mais également l'intégralité de ses processus.
La dynamique d'innovation se généralise le long de la chaîne de valeur, allant bien au-delà du simple lancement de nouveaux produits. Bien que l'innovation produit demeure cruciale, elle doit s'accompagner d’une volonté de concevoir des nouveaux produits et des emballages qui soient à la fois plus respectueux de l’environnement et plus sains pour les consommateurs. Cette évolution nécessite une révolution conceptuelle: la prise de conscience des enjeux actuels oblige les entreprises à envisager des solutions innovantes tout au long de la chaîne de valeur.
Dans ce cadre, l’innovation ouverte émerge comme un levier fondamental. Ce modèle collaboratif et précompétitif, permet aux entreprises d'accélérer leur transformation en favorisant des pratiques d'échange et de coopération. Il y a plusieurs exemples d’innovation ouverte au Québec.
Prenons comme exemple le Consortium de recherche et d'innovation sur la transformation alimentaire (RITA), une initiative née au campus Macdonald de l’Université McGill en 2017 grâce à l’appui du CTAQ et qui vise à soutenir le secteur de la transformation bioalimentaire du Québec en catalysant l’innovation et le transfert de connaissances entre le milieu de la recherche et l’industrie.
Depuis sa création, le Consortium RITA incite les entreprises bioalimentaires à réaliser, en commun, des activités de recherche précompétitive qui servent les intérêts scientifiques et technologiques du secteur. Ses activités se sont depuis diversifiées pour inclure des projets de recherche compétitive, des activités de transfert technologique et un laboratoire de développement de produits. En somme, les cinq plateformes du Consortium RITA renforcent la capacité concurrentielle des entreprises d’ici, accélèrent le transfert de connaissances entre le milieu de la recherche et l’industrie, et promeuvent une offre alimentaire saine, sécuritaire et valorisée pour le marché québécois.
SIAL Paris a mandaté SprintProject pour réaliser une étude exclusive sur l'état actuel de l'innovation ouverte dans le secteur des aliments et des boissons. Cette étude se propose de mettre en lumière comment les entreprises réussissent à s'adapter à ce contexte complexe tout en identifiant les opportunités d’avenir qu'il engendre.
Les objectifs principaux de cette recherche sont de cartographier les efforts collaboratifs entre les entreprises agroalimentaires et l'écosystème environnant. Plus précisément, elle s'articule autour de deux questions essentielles : Comment les entreprises du secteur alimentaire s'engagent-elles dans des collaborations d'innovation ouverte? Quelles tendances et opportunités émergent pour propulser le secteur vers l’avant ?
En apportant des éclairages sur ces sujets, l'étude vise à fournir des recommandations concrètes pour aider les entreprises du secteur à renforcer leurs stratégies d’innovation et à conserver un avantage concurrentiel. Ce travail de recherche représente donc une étape clé pour supporter le secteur alimentaire vers un avenir plus résilient et durable.
L’innovation ouverte dans le secteur des aliments et des boissons
L'innovation ouverte, concept introduit par Henry Chesbrough en 2003, désigne une approche collaborative de l'innovation qui permet aux entreprises de s'ouvrir aux idées et aux expertises externes. Cette méthode devient essentielle dans un contexte économique en constante évolution, où la capacité à innover distingue les leaders des retardataires. Dans le secteur alimentaire, l'innovation ouverte est particulièrement cruciale pour faire face à des défis tels que la durabilité, la sécurité alimentaire et l'adaptation au changement climatique.
Avec 83 % des organisations considérant l'innovation ouverte comme un facteur clé de leur réussite durable, il est constaté que, malgré une forte tendance à collaborer principalement à l'interne, le secteur alimentaire commence à élargir ses horizons pour inclure divers partenaires, notamment les startups et le monde académique et les start-ups. Actuellement, 58 % des entreprises collaborent avec des partenaires du même secteur, indiquant une dépendance aux réseaux familiers.
Cette orientation vers l'innovation des produits est prédominante, reflétant une conviction dans l'amélioration de l'offre, que ce soit à travers de nouveaux ingrédients ou des solutions d'emballage durables. En ce sens, bien que les entreprises alimentaires aient historiquement privilégié la confidentialité, l'évolution rapide des technologies et des connexions globales pousse le secteur vers un modèle de partage des connaissances, favorisant ainsi des avancées plus rapides et significatives.
Avantages et Défis
Dans un marché en constante évolution, l'innovation ouverte est devenue essentielle pour les entreprises alimentaires cherchant à maintenir leur avantage concurrentiel. En intégrant des collaborations externes, ces entreprises peuvent non seulement améliorer leur culture organisationnelle, mais également faire face à des défis environnementaux, sociaux et économiques. Les avantages de l'innovation ouverte incluent une plus grande agilité, des capacités de résolution de problèmes renforcées et une dynamique d'innovation accrue au sein des équipes.
Un des principaux bénéfices de cette stratégie est la réduction du délai de mise sur le marché. Fabio Mora, vice-président principal de Ferrero, souligne que l'innovation ouverte peut diviser par deux ce délai. Grâce à des accès privilégiés à une expertise et à des technologies de pointe souvent inexistantes en interne, les entreprises peuvent se positionner de manière plus efficace face aux tendances émergentes.
Cependant, l'adoption de l'innovation ouverte implique aussi des défis notables. Les grandes entreprises doivent faire face à des obstacles tels que l'identification de partenaires appropriés parmi les startups et la définition de cadres de collaboration clairs. Les résistances culturelles internes, qui privilégient souvent la confidentialité et les méthodes traditionnelles, peuvent également poser des problèmes. De plus, la nécessité de concilier des objectifs à long terme avec des pressions pour des retours sur investissement immédiats complique davantage la situation.
Malgré ces défis, des opportunités significatives émergent dans plusieurs domaines d'innovation, notamment le développement de nouveaux produits, l'optimisation des conditionnements et l'amélioration des chaînes d'approvisionnement. Par exemple, la collaboration entre Kraft Heinz et NotCo utilise l'intelligence artificielle pour développer de nouveaux substituts alimentaires, tandis que Nestlé s'associe à Danimer Scientific pour créer des solutions d'emballage biodégradables.
L'innovation dans la chaîne d'approvisionnement et le secteur de la vente au détail constitue un terrain fertile pour l'innovation ouverte, permettant aux entreprises de répondre aux besoins croissants des consommateurs en matière de transparence, de traçabilité et d'efficacité. Grâce à des collaborations stratégiques, les acteurs du secteur alimentaire ont l’opportunité d'améliorer leurs processus tout en s’adaptant aux nouvelles réalités du marché.
Perspectives sur l'innovation ouverte dans le secteur alimentaire
Les résultats de l’étude SIAL soulignent l'importance croissante de l'innovation ouverte dans le secteur alimentaire. En effet, les entreprises s'engagent également dans des partenariats stratégiques avec divers acteurs, notamment des clients, des fournisseurs et des entreprises d'autres secteurs. Cette approche élargie est cruciale pour stimuler l'innovation à travers toute la chaîne de valeur.
Bien que l'innovation de produits demeure une priorité significative, d'importantes opportunités se présentent également dans des domaines tels que l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement, les initiatives de développement durable, et l’amélioration de l’expérience client. Ces collaborations permettent de relever des défis persistants, tels que la réduction du gaspillage alimentaire et l'amélioration de la traçabilité, tout en renforçant la résilience de la chaîne d'approvisionnement.
L’étude identifie différents modèles de collaboration, allant des partenariats de recherche et développement à des intégrations commerciales, adaptant le choix du modèle à la nature de l'innovation et à la maturité des startups impliquées. L'innovation ouverte offre ainsi une palette d'opportunités pour optimiser les opérations et apporter des solutions innovantes.
À l'avenir, le secteur alimentaire sera guidé par plusieurs tendances favorisant l'innovation ouverte. Parmi celles-ci, le développement durable émerge comme un objectif clé. En collaborant, les entreprises peuvent non seulement répondre aux exigences réglementaires, mais aussi anticiper les attentes croissantes des consommateurs et générer une valeur durable à long terme. De même, les avancées en analyse de données et en intelligence artificielle promettent d'améliorer les performances commerciales en facilitant une culture axée sur les données.
L'optimisation de la chaîne d'approvisionnement est également un domaine avec un potentiel considérable. Les start-ups proposant des solutions innovantes peuvent aider à réduire les coûts, améliorer la transparence et rendre les opérations plus efficaces, ce qui impacte positivement les résultats.
Les récentes initiatives de responsabilité sociale des entreprises (RSE) renforcent encore ces démarches d'innovation ouverte. Ainsi, dans un contexte de développement durable par exemple, l'innovation ouverte se positionne comme un levier stratégique pour le secteur alimentaire, favorisant un changement durable et garantissant une compétitivité future. En mobilisant des partenariats diversifiés, les entreprises peuvent non seulement innover mais aussi contribuer à un écosystème alimentaire plus responsable, en mettant le développement durable au cœur de leur croissance.